Je suis arrivé au Lesotho par le mythique Sani Pass. Mes premiers instants dans le pays se sont déroulés dans le brouillard. Mais normalement, le ciel allait se découvrir de l’autre côté de la montagne. Ces hautes falaises, qui bordent une grande partie du pays, semblent le protéger du mauvais temps venant de la mer.
Et une fois tous les papiers tamponnés, je vais effectivement revoir le soleil. Première mission : se réchauffer. La route est impeccable. Je retrouve des virages à perte de vue. Je descends. Je remonte. Puis j’arrive à la première ville. La vie ici ressemble davantage à celle de la Zambie ou de l’Afrique de l’Ouest. Après avoir trouvé de l’eau et une carte SIM, je pars chercher un spot pour camper. J’en trouve un rapidement, invisible de la route mais non loin d’elle, avec une vue imprenable sur la vallée. Seuls les fermiers remontant des champs me salueront.
Le lendemain, je remonterai jusqu’à Butha-Buthe, en traversant la zone des Highlands (ou wetlands). Un plateau verdoyant (comme une bonne partie du pays), parcouru de ruisseaux dans toutes les vallées. Les bergers sont vêtus d’une couverture de laine, parfois colorée, parfois marron ou noire. Certains portent une cagoule sous un chapeau de paille pointu. Le paysage me rappelle la Mongolie, ou le Pérou. Les gens aussi. La plupart sont à dos de cheval ou d’âne, parfois à cru.
Je roule toute la journée, le sourire aux lèvres. Je ne compte plus les virages et je crois avoir franchi trois cols au total, dont celui près d’Afriski, la seule station de ski du coin, avec une unique piste d’à peine un kilomètre. Après avoir mangé en ville, je décide de couper par la piste pour rejoindre la route qui descend vers Thaba-Tseka, au cœur du pays. Je franchis un dernier col impressionnant avant de poser ma tente près d’un ruisseau. J’en profite pour me laver et rencontrer les bergers du coin, avec qui j’échange brièvement. Au barrage de Katse, la route se transforme en piste.
Je fais une pause forcée à Thaba-Tseka, dans une sorte de mission. J’arrive rincé après 50 kilomètres de mauvaise piste. Puis la météo se dégrade. J’avais prévu de partir vers le Matebeng Pass, réputé difficile, mais je ne voulais pas m’y retrouver sous la pluie. J’ai bien fait d’attendre.
Le col de Matebeng n’est plus une piste carrossable. Ceux qui s’y aventurent en 4×4 sont un peu fous. Visiblement, je le suis aussi. Ma moto est légère, certes, mais je suis seul et plutôt chargé. Je m’attendais à de la difficulté, mais je vais être plus que servi. Les 15 derniers kilomètres se transforment en pierrier. Puis des ruisseaux viennent régulièrement compliquer les choses. Je tombe trois fois, assez doucement.
À 700 mètres du sommet, je glisse et finis dans un fossé sur la droite. Heureusement qu’il était là… sinon c’était le ravin. La moto se retrouve tête en bas. Pas de photo cette fois. Je passe 30 minutes à la faire pivoter pour la relever (dans le mauvais sens). Au passage, je casse la boule qui tient mon rétro et mon protège-mains.
Une fois en haut, je reprends mon souffle, admire brièvement la vue, puis commence les réparations. Ensuite, je monte la tente, et les orages défilent jusque tard dans la nuit.
Le matin de la descente, je prends mon temps. Toujours des petits pierriers, mais c’est plus facile en descendant. Puis vient mon premier passage de ruisseau. Il paraît simple, mais le courant est fort, avec un trou au début et un autre à la fin. Et surtout, si la moto glisse et tombe en contre-bas, je suis foutu. Je décide de traverser à pied avec la moto. Deux minutes plus tard, même torrent, mais à franchir dans l’autre sens. Cette fois, plus de ciment ni de passage tracé. Je dois déplacer des pierres, vérifier le niveau de l’eau (mi-cuisse), puis y aller à pied avec la moto. Au final, je traverse ce même ruisseau, devenu rivière, quatre fois.
Le ciment de deux des gués a disparu. Au troisième, je rencontre des bergers à cheval. Je ne suis plus très loin du village. Puis un peu plus loin, je découvre une route parfaitement bitumée alors que je m’attendais à une bonne piste de graviers. Je m’arrête pour manger, face au col que je vois d’ici grâce à une antenne. Les enfants rentrant de l’école s’agglutinent autour de moi.
Ces 15 km de montée et 12 km de descente sont les plus techniques que j’ai parcourus sur tout le voyage. Jef, s’il était encore avec moi, m’en aurait voulu de ce choix. C’étaient 27 km de quasi-pierrier, de ruisseaux et de torrents à traverser. J’étais heureux d’arriver au bout, fier d’avoir réussi sans rien avoir casser (moto et bonhomme). Après ça, j’ai profité d’un bitume parfait au sommet de la montagne pour admirer la vue sur l’Afrique du Sud. Puis, après une nuit au bord de la rivière Orange, je suis arrivé à Semonkong pour me reposer.
Je venais ici pour voir la chute de Maletsunyane, que je suis allé admirer tranquillement le lendemain. Depuis, j’ai repris la route, je suis allé faire le plein à Roma, puis j’ai décidé de prendre la piste pour voir les chutes de Botsolea et franchir la “Gate of Paradise Pass”. Une piste un peu abîmée au niveau des chutes, mais rien comparé à ce que je venais de vivre. Le seul hic, ce fut l’énorme orage qui m’a obligé à m’arrêter pour bivouacer à mi-chemin.
Aujourd’hui, je suis dans une petit lodge à Alwyns Kop, non loin de la frontière sud africaine. Je me repose, j’écris et je prépare des vidéos avant de reprendre la route vers Cape Town.